
Lors du Traité de Paris, en 1763, toute la partie
orientale du Québec actuel n'était qu'une
vaste forêt où l'amérindien vivait encore
en liberté. Selon des documents historiques, dans
notre région et dans celle de Lac-Mégantic,
il y aurait eu une bourgade d'Abénaquis.
Arpentée en 1802 et érigée en cantons
(townships) dès 1803, notre région est vouée
à devenir un refuge aux immigrants d'Angleterre et
aux Loyalistes venus des États-Unis. Trois cantons
sont délimités : Ditton, qui rappelle un écrivain
célèbre mort à Londres en 1715; Chesham,
qui rappelle une commune du Birminghamshire; qui serait
une corruption de Pemberton, homme célèbre
de la Grande-Bretagne. Ainsi sur la même ligne que
le canton Newport, nous retrouvons le canton de Ditton,
borné par Chesham à l'est, Hampden au nord
et Emberton au sud.
À cause du manque de moyen de transport, ces cantons
resteront inexploités pendant une soixantaine d'années.
De 1861 à 1864, le gouvernement fit tracer à
travers bois, un chemin reliant Scotstown à la rivière
Arnold, au sud du Lac-Mégantic. Ce chemin connu sous
le nom de chemin Hampden ; amenèrent dans la région les
premiers explorateurs. La plupart provenaient de Cookshire,
la dernière agglomération d'importance à
l'ouest de cette région.
Le député John Henry Pope encourageait fortement
la colonisation dans les cantons nouvellement ouverts. M.
Pope avait acquis d'importantes parts de propriété
dans ces régions, principalement dans le canton d'Emberton,
où l'on avait découvert des pépites
d'or en 1863. On ne trouva rien de précieux depuis.
Dès 1864, Luther Weston construit un moulin à
scie; il est le seul colon résident de la région.
Dans le même temps, MM Horace Sawer, Georges Pennoyer
et Horace French faisaient défricher dans le "West
Ditton"; et y bâtissaient une maison en bois
équarri, où vivra la première femme
venue dans la colonie. Là naîtra le premier
enfant. Élisabeth Moodey et son mari habitent cette
maison en 1864 et le 26 mai 1865, naît John Henry
Ditton Dawson.
Le 1er janvier 1864, Luther Weston revient de Cookshire
avec deux autres Canadiens français, Joseph Roy et
Cyrille Gaulin pour bâtir leur maison sur le lot 36
Rang V. C'était la deuxième construction,
mais cette fois, en bois scié, puisque Weston avait
construit un moulin à scie sur la rivière
Ditton, dans le rang VIII. Pendant ce temps, Joseph Roy
s'établissait sur le lot 19 rang IV avec Zéphirine
Fontaine, son épouse, la première canadienne
française à vivre dans la colonie.
Jusqu'en 1867, Luther Weston reste le seul colon résident
de la région. L'acte fédéral de 1867,
laissant à chaque province le contrôle exclusif
des terres, favorisait le développement d'idées
susceptibles d'accentuer le rythme de la colonisation. Dès
cette année-là, plusieurs colons arrivent.
Pour quelque temps, un va-et-vient continuel rend la situation
inquiétante pour l'avenir du canton.
Pour assurer à l'uvre une certaine stabilité,
la législature adopte le 5 avril 1869 une loi permissive
: l'Acte des Sociétés de Colonisation. Ces
sociétés avaient pour but de rouvrir de nouvelles
terres, d'attirer des recrues des vieilles paroisses et
aussi des habitants émigrés au-delà
de la frontière. En août 1868, 16 familles
de Norvégiens étaient arrivées des
États-Unis. En 1869 se fonde la première société,
celle du Comté de Compton, composée d'éléments
anglais et protestants. Au printemps, elle fait construire
13 maisons; une de ces maisons reçoit Adam Wright,
premier résident du futur village de La Patrie.

L'abbé
Jean-Baptiste Chartier,
curé de Coaticook
1868-1877
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L'abbé J-B Chartier, curé de Coaticook
(1868-1877), est nommé agent de colonisation
pour les Cantons-de-l'Est. Il organise une expédition
pour explorer la région. Le 16 juin 1870, la
colonie nouvelle est consacrée avec beaucoup
d'émotion à la religion et à
la patrie, au cours d'une messe solennelle célébrée
dans le rang I, sur le lot 17 dans le canton d'Emberton.
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NB- L'ensemble des faits rapportés dans cet écrit
sur les origines de "La Patrie" ; sont tirés
du livre "Paroisse St-Pierre de La Patrie" (Historique
1875-1990), ainsi que du livre du Centenaire lesquels ont
été conçus et rédigés
par l'abbé Gilles Baril.
La veille de la Fête-Dieu au bord du ruisseau Tétreau
,sur le lot 19 du rang 1'on avait remarqué un arbre
magnifique, de deux pieds et demi de diamètre. À
la suite de M. Chartier qui donna l'exemple, chacun y donna
son coup de hache.Le tronc équarri sur un de ses
côtés, devint la table d'un autel. Le crucifix,
les chandeliers, la devanture furent faits avec les branches
ou l'écorce. À l'aide d'une pelle tirée
du même bois, l'on creusa une fosse pour y planter
une croix, formée de deux longues branches. L'installation
terminée, on s'endormit aux bruits stridents des
hiboux qui toute la nuit protestèrent contre cette
invasion de leur domaine, jusque-là inviolé.
Le lendemain, jour de la Fête-Dieu, sous le dais
de la forêt, en présence de toute la délégation,
l'abbé Chartier célèbre les saints
mystères et bénit la croix, symbole de la
prise de possession. Dans une allocution vigoureuse, le
missionnaire prédit des résultats grandioses
de cette première mainmise. Après la cérémonie,
M. Chicoine écrivit au verso de l'écorce pour
le courrier de St-Hyacinthe, un récit de l'expédition.
Notre correspondant terminait par ces mots; jamais à
ce qu'il me semble, prière plus confiante ne monta
vers Dieu et jamais paroles aposliques ne passa aussi vibrantes
dans des curs bien préparés à
la recevoir.
La cérémonie tenait à la fois de celle
qui marqua la prise de possession du Canada par Cartier,
sur la pointe de Gaspé en 1534 et de la première
messe célébrée à Ville-Marie,
par le Père Vimont, en 1642. C'était l'installation,
dans un monde vraiment nouveau, de l'Église et de
l'État canadien.
L'avenir devait justifier les espérances des débuts.
Les délégués rédigèrent
le rapport suivant : Les cantons de Ditton, Chesham, et
Emberton sont réellement avantageux pour la colonisation
et propres à former de bons centres de population;
les sociétés de colonisation de St-Hyacinthe
et de Bagot trouveront dans la partie des cantons qui leur
est réservée, ce qu'il faut pour atteindre
les fins qu'elles désirent obtenir. Après
examen du sol, on déclare les terres riches et fertiles.
Les explorateurs sont d'opinion que des colons devraient
être dirigés vers ces terrains le plus tôt
possible.
Pour peupler la région on fit appel surtout auprès
des 400 000 Canadiens français exilés sur
les territoires des États-Unis. M. Jérôme-Adolphe
Chicoine fut officiellement chargé de cette campagne
de rapatriement par le ministre de l'Agriculture, l'honorable
John Henry Pope. M. Chicoine deviendra par la suite , responsable
de la nouvelle colonie et recevra du gouvernement le titre
d'Agent de colonisation. Le Rév. Gendreau, curé
de Cookshire, et missionnaire à Ditton, offrit ses
services pastoraux en venant célébrer une
messe dans le canton une fois par mois.
La première fut célébrée le
30 septembre 1871. Elle eut lieu à l'étage
de l'hôtel-bureau de poste au West Ditton où
vivaient quelques familles.
Bientôt la communauté voulut trouver
un endroit décent pour célébrer
les offices. Le choix de l'emplacement de la future
église fut très discuté.
Le choix des autorités religieuses tomba
sur un site situé trois mille plus à
l'est (lot 27 Rang 4 ) et en septembre1873, une
chapelle catholique y était construite,
avoisinant les murs inachevés du temple
protestant ( construit en 1871. La terre de la
fabrique comptait 56 arpents et avait coûté
cent dollars
|

Première église
de
La Patrie
convertie en couvent.
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Le 8 octobre, de cette même année, le missionnaire
célébrait déjà dans la chapelle
encore inachevée. Les fidèles sont maintenant
conviés pour la prière au son d'une cloche
de 50 livres donnée par la paroisse de Stukley. Comme
la paroisse n'a pas de clocher, on l'a installée
provisoirement sur une énorme souche de merisier
où elle restera jusqu'à la première
procession de la Fête-Dieu en 1875.
L'abbé Gendreau quitte la cure de Cookshire et la
mission de Ditton à l'automne de 1874, pour une uvre
missionnaire aux États-Unis. Il finira ses jours
à St-Hyacinthe. M. l'abbé Edouard Blanchard
lui succède.

Le village de La Patrie
en 1881
|
À ce territoire maintenant réservé
aux Canadiens français, il fallait des noms patriotiques.
Les colons anciens et nouveaux,, s'assemblèrent
à la sortie de la messe, le 3 mai 1875, et le
nom de La Patrie fut choisi à l'unanimité,
pour remplacer la désignation anglaise de Ditton. |
Du 16 avril 1875, jusqu'à la fin d'octobre 1876
l'uvre de rapatriement (sous la présidence
de Jérôme-Adolphe Chicoine) augmenta notre
population de 262 habitants venus de Québec et 424
rapatriés pour une population globale de 969 habitants.
L'année précédente un décret
pontifical avait érigé Sherbrooke en évêché
dont La Patrie relèvera. Personne ne pouvait être
mieux accueilli que le nouveau titulaire, Mgr Antoine Racine.
C'est en effet le 4 juin 1875 que ce prince de l'Église
foula pour la première fois, le sol de notre région,
pour une visite pastorale. Il érigea le village en
paroisse canonique sous le vocable de St-Pierre La Patrie.
Ce patron nous fut désigné pour perpétuer
le souvenir de l'honorable Pierre Garneau, ministre de l'agriculture
à Québec et également pour rendre hommage
à M. le curé de Cookshire Pierre Emond Gendreau,
premier missionnaire de notre colonie.
Le diocèse de St-Hyacinthe nous fournit le prêtre
dont nous avions besoin. Le 5 décembre 1875, M. Victor
Chartier, alors vicaire à St-Simon de Bagot fut chargé
en plus des missions de Chesham et d'Emberton et en vertu
d'une entente entre Mgr Racine et le ministère de
l'Agriculture stipulant que le curé serait l'assistant
officiel de M. J.A. Chicoine dans sa fonction d'agent de
la colonisation moyennant un traitement de 250 dollars par
année.

Mgr Antoine Racine,
premier Archevêque de Sherbrooke
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